La haine engendre l'amour. PV Ambry

Ambre marchait, lasse, ennuyée. Combien de temps allait-elle encore errer à attendre quelque chose qui n'arrivera sans doute jamais? Dépitée, elle continua de marcher, tête basse, lorsque soudain elle sentit une odeur inconnue. Celle d'un solitaire, sans doutes. Foudre, se dit la chatte noire. Ce chat qui lui ressemblait énormément, mais qu'elle n'avait jamais rencontré, bien qu'il laissait son Clan tranquille, elle avait déjà entendu ce qu'il avait fait. Car Foudre était le nom utilisé pour effrayer les chatons faisant une bêtise... Mais Ambre ne le craignait pas, bien au contraire. Elle l'admirait presque, l'enviait d'avoir une vie excitante. Elle, tout ce qu'elle connaissait, c'était l'ennui, éternel, fatal, lassant...
C'est là qu'elle le vit. Un chat noir aux yeux d'ambre... Quelle ressemblance! Il était pour ainsi dire trait pour trait comme Ambre. Elle suspecta un lien de parenté avec le tueur, et se dit que cela était impossible: Saphir et Neige lui disaient constamment que s'ils mourraient, elle serait la dernière survivante de la famille. Car oui, Ambre ne pouvait pas faire de chatons, elle avait hérité cela de sa grand-mère. De toutes façons, un chef ne pouvait pas se permettre d'avoir un chaton et de laisser le Clan sans chef. Non elle ne pouvait pas. Certes, Neige l'avait eue. Certes, Neige était chef. Mais Neige l'avait confiée à une autre reine pour ne pas embêter les autres chats du Clan, pour prouver que Ambre était pas un pois. Cependant Ambre ne voulait pas de chatons pour deux raisons: la première, c'est qu'elle ne pourrait jamais en avoir. La seconde, c'est que celui-ci mourrait de faim à moins qu'Ambre abandonne son Clan pour élever son chaton, ce qui serait un énorme sacrifice. De plus, il n'y avait plus de reines dans ce Clan depuis des lunes.
Ambre secoua la tête. À quoi bon? À quoi bon penser à cela. Cela n'avait pas de sens. Elle s'intéressa à un sujet plus récent: Foudre. Elle le voyait, sentait l'odeur de sang qui se propageait dans l'air. Elle braqua ses yeux dorés sur le matou noir. Il la regardait, lui aussi.
Il était beau. Sa carrure imposante donnait des frissons à la jeune chatte noire. Elle ferma les yeux, sourit, et les rouvrit. Un geste qu'elle ne pensait jamais faire un jour: sourire à un inconnu.
Ambre sentait son coeur battre à cent à l'heure... De la peur? Non, ce n'était pas cela... Elle fut immergée d'une vague de douceur et de tendresse. Qu'était-ce? Et si c'était... ?
Le chat noir lui jeta un regard assassin. Comme il le faisait à toutes ses victimes avant de les tuer. Mais cela ne faisait pas peur à Ambre, non, elle était prête à cela? Elle était prête à mourir et avait attendu le moment de sa mort bien longtemps.
Elle sentit une vague de douceur encore plus forte et grande.
Le vent balayait la vallée. La falaise se faisait imposante, grande: un seul saut suffirait à rompre les os à n'importe qui. Ambre se demanda pourquoi elle n'y avait pas pensé plus tôt: sauter de là. Enfin, peu importe.
Foudre était là, plus imposant que la falaise. Ambre l'avait compris à présent. Cette vague de chaleur et de tendresse, c'était l'amour, n'est-ce pas? De plus, les frissons qu'elle ressentait devaient bien être due à quelque chose. Non, entendit Ambre. C'était sa voix intérieure, du moins, elle le pensait, car elle ne l'avait jamais entendue. Après tout, ce n'était qu'une légende. Non, Ambre! Tu ne peux pas aimer Foudre! C'est impossible! Ambre ferma les yeux en se disant très fort dans la tête: Stop! STOP!
Un mouvement attira son attention: Foudre. La voix se tut, au grand contentement d'Ambre. Foudre avait l'air impatient. Il lui sauta dessus, griffes sorties, et montra ses dents. Il griffa le flanc de la guerrière, ce qui lui arracha un petit cri de douleur. Le sang suintant coula lentement sur son pelage noir. Avec ce sang sur son pelage, on pourrait la prendre pour Foudre.
Tuer... Ambre le sentait. Ce n'était pas par intérêt que Foudre tuait, mais pour s'amuser. Et Ambre savait comment faire pour ne pas l'amuser. Elle allait lui lancer d'une voix mielleuse une réplique cassante, lorsque le mâle dominant lui dit avec méchanceté:

- Je te déconseilles de bouger, ce serait dommage d'écourter ta vie inutilement.

Ambre le fixa. Elle rit. Pensait-il vraiment qu'elle avait peur? Qu'elle allait crier? Et bien il se trompait si c'était le cas. Elle n'avait justement pas peur de la mort. C'était une chose qui ne l'effrayait pas. Après tout, elle ne pourrait jamais vivre moins bien que n'importe quel jour plein d'ennui.
Elle se laissa donc faire. Elle se dit que son heure était venue, à moins que Foudre décide de l'épargner, ce qui ne ferait que la faire souffrir d'avantage. D'ennui.
Il pouvait bien lui faire une mort lente, elle s'en fichait. Après tout, peu importe que la mort soit douloureuse et lente ou au contraire rapide et indolore... Alors, une lueur de malice dans les yeux, elle lui dit:

- Fait moi ce que tu veux. Je ne craint pas la mort. Je l'attend.

Foudre était sûrement étonné de cette réponse: Ambre s'imaginait déjà toutes ses victimes le supplier de le laisser en vie sans rien. Ils lui disaient sûrement quelque chose dans le genre je ferais tout ce que veux, mais Ambre le savait, ça ne servait à rien. Ambre était sûre que Foudre vérifierait si elle avait peur pour la croire, mais cela ne servait à rien: Ambre disait la vérité. Elle n'avait pas peur. Elle était plutôt impatiente de connaître la suite.

Le matou la griffait un peu... Mais tellement peu. Il ne lui faisait pas mal. Non, loin de là. Il avait l'air énervé car Ambre le laisserait tuer. Il ne pourrait pas faire joujou avec le chef du Clan des Félins, quel manque de chance, elle ne ferait rien. Ce ne sera pas drôle, hein? Tant mieux dans ce cas. Elle l'énerverait à ne rien faire et elle savait très bien que cela l'agacerait vite mais qu'il ne la tuerait peut-être pas. Enfin peut-être. Et dans le cas contraire, quelle importance? Elle le regardait toujours... Quelle ressemblance...
Le mâle dominant cracha:

- Penses tu vraiment que mourir maintenant aiderait ton clan à survivre ou n'en as tu tout simplement rien à faire de leur sort ? Dans ce ca-là, je ne vois pas pourquoi je vous laisserais en vie. Tu peux bien ne pas avoir peur, ton sang aura toujours le même goût et tu me faciliterais la tâche.

Ses paroles ne lui firent ni chaud ni froid. Son clan? Il se fichait bien d'elle, après tout. Qui était-elle pour son Clan? Juste un pion qui doit s'occuper de la tâche la plus ennuyeuse: dire quoi faire et quand. Et ELLE devait rester cloîtrée dans sa tanière en attendant. De plus, si elle mourrait, Mythe la remplacerait. Donc elle ne laisserait pas son Clan seul.

- Tu veux vraiment le savoir? Mon Clan ne compte pas plus pour moi que des charognes. Oui, c'est mal de penser cela, mais c'est vrai. J'ai été promise au poste de chef par ma mère à ma naissance. Je ne l'ai jamais voulu. Et ne le mériterais jamais.

Elle leva les yeux au ciel. Quel matou arrogant et idiot il faisait... Ambre écouta le vent. C'était agréable. Le sentir, l'entendre... Ambre ne mentait pas: elle en avait vraiment rien à faire de son Clan débile et solidaire. Il croyait vraiment la transformer en un gentil petit chef que tout le monde aime? Si on la jugeait, on pourrait dire qu'elle avait plus la mentalité d'un solitaire que d'un chef, et c'était vrai. Elle n'arrivait même pas à croire qu'elle pouvait être la fille de Neige et Saphir: non seulement elle ne leur ressemblait pas du tout, n'avait rien hérité d'eux, mais en plus leurs caractères sont totalement différents. Elle ne pouvait PAS être la fille de Neige et Saphir. C'était tout bonnement impossible.
Son attention se focalisa de nouveau sur le solitaire tueur. Il la regardait, haineux, et un peu embarrassé sûrement.
Et là elle se souvint. C'était quelque chose qu'elle n'aurait jamais du oublier. Un chat blanc et un autre, brun tigré, qui le tuait. Elle ne se souvenais plus quand, comment ni pourquoi mais elle avait la certitude que le chat brun tigré se nommait Assaïm.

-Je me souviens de toi...

Murmura-elle pour elle. Elle était submergée par ce souvenir terrifiant...

- ... Assaïm.

Elle termina sa phrase, et jura apercevoir une lueur de peur dans les yeux du solitaire en face d'elle.