Le Soleil rencontre la lune /Pv soleil du matin

Ce matin là, comme à mon habitude, j'étais partie du côté de la rivière dès mon réveil. M'assoir près de la rivière m'aidait à me détendre et à faire le vide dans mon esprit ou, au contraire, à réfléchir.
Aussitôt arrivée, je laissais promener mon regard sur les eaux calmes. Il me sembla apercevoir une silhouette, mais je n'y fit pas attention.

Je fermais doucement les yeux et ne bougeais plus. Mon regard se perdit dans le vide, le noir total.

Je restais un bout de temps dans cette position, les yeux clos, assise face à la rivière, la tête légèrement courbée. Puis je réouvris tranquillement les yeux. S'en était assez, j'avais eu ma dose de détente.

Je restais un moment assise, contemplant l'eau sans vraiment la voir, perdue dans mes pensées. La Voix, ma rencontre avec ma fille sur le territoire du Clan du Tonnerre, ma discution avec Foudre, mon demi-frère, puis mon accident, mon coma: tout cela me revenait à l'esprit. Je réfléchissais sans vraiment réfléchir. Ma vie n'avait aucun sens, à quoi bon continuer ?

Mes paupières devinrent lourdes. Je m'étais réveillée plus tôt que d'habitude aujourd'hui - en même temps que les autres guerriers, alors que, depuis ma sortie du coma, je prenais un plaisir fou à faire la grasse matinée. Je finis par m'allonger sur la berge, le bout de mes pattes trempant légèrement dans l'eau, les yeux mi-clos. Je m'apprêtais à sombrer dans le sommeil, quand soudain, une voix derrière moi me fis sursauter.

- Bonjour, comment allez vous aujourd’hui ?

C'était une voix féminine. Je maugréais quelques mots incompréhensibles en grommelant. N'avait-elle que ça à faire, cette fichue chatte ? Venir me déranger pour simplement me demander comment j'allais ? Je ne pris même pas la peine de me retourner, ni de lui répondre.
La laisser me regarder me faisais aussi froid dans le dos. Je n'avais aucune envie qu'elle ressente de la pitié pour moi, qu'elle me voit comme la "lieutenant qui a eu un terriiiible accident qui l'a empêché de devenir chef et qui est devenue presque cinglée par la suite". Comme tous les autres, elle avait dû penser, lorsque j'étais dans le coma, que je ne survivrais pas. Cette simple pensée me rendait rageuse.
Je ne voulais ni de sa pitié, ni d'elle même. J'étais très bien toute seule.

Je soupirais bruyamment. La chatte n'avait pas l'intention de partir. Je retroussais doucement mes babines dans un grondement de plus en plus puissant.

Qu'elle soit là, derrière moi, m'irritais au plus haut point. Et le fait que je lui tourne le dos m'empêchait de voir ses émotions. Avait-elle un air de pitié ? Elle pouvait se la garder, sa pitié. Je n'en avais pas besoin.

Ma queue tressaillait légèrement, trahissant mon agacement. Elle ne pouvait pas se bouger, à la fin, plutôt que de rester bêtement derrière moi ? Mon calme et ma patience avaient leur limite. Je grondais:

- Bon, dégage maintenant. Fiche moi la paix.

Mon pelage se hérissait doucement. Pourtant, je n'avais aucune envie de me retourner et de faire face à la chatte: j'étais très bien ainsi, les pattes légèrement dans l'eau et le regard rivé à la rivière.

J'aperçu du coin de l'oeil la forme grise de Perle de Lune qui grimpvait dans un arbre. Je soupirais et me détournais: je n'étais pas d'humeur à regarder la chatte faire des pitreries dans un arbre.
Mon regard se posa de nouveau sur la rivière. Le doux clapotis de l'eau résonnait à mes oreilles, et les vagues faisaient scintiller l'eau grâce au reflet du soleil.
Je sursautais soudain: une feuille était tombée près de moi. Je levais la tête vers l'arbre, tandis que Perle de Lune sortait de sa cachette en criant.

- Eh, oh ! Merci de l'accueil !

Je la fixais en grondant.

- Et si je n'ai pas envie de te voir ? On n'a même plus droit à un peu de tranquillité, ici !

Je remarquais alors une chose difforme sur le dos de la chatte. Je haussais un sourcil. On aurait dit... des ailes. Un chat ailé ? J'en ai vu, des choses étranges; mais c'est la première fois que je vois un chat avec des ailes.
Je clignais des yeux: je devais sûrement avoir des hallucinations. Ou alors, notre chère Perle de Lune-ailée voulait me faire une farce. Farce de très mauvais goût; il aurait fallu quelque chose d'un peu plus... intelligent pour me faire rire.

Je soupirais et lui tournais à nouveau le dos. Il allait falloir que je me décide à aller voir le guérisseur, entre mes trous de mémoire et les séquelles de mon accident; et maintenant, des hallucinations...