Petite Ébêne... Je vais te tuer !!

Il faisait froid, il y avait une fine couche de neige au sol, on était vers le milieu de la journée, l'heure où on pouvait un peu se reposer. Seul le soleil me réchauffait un peu. Je maugréa, levant une de mes pattes avec mauvaise grâce. Je maudis le seul chaton que j'appréciais beaucoup : Petite Ébêne. Car cette... idiote ? Incervelée ? Bref, cette chatonne avait eu la bonne idée de se cacher on ne savait où dans la forêt. Maintenant, la moitié du Clan était à sa recherche. Et on m'avait envoyé, moi, la chatte errante, seule pour aller la rechercher. Heureusement, mon flair était... parfait ! Je n'avais eu AUCUN mal à repérer son fumet qui me chatouillait les narines. J'avança encore, laissant un peu de ma fourrure sur des ronces, l'odeur de Petite Ébêne de plus en plus forte. Normale, une renardière n'était pas forcément la meilleure cachette. Avec une inspiration, je lança de ma voix... hum, pas très sérieuse :
-Sors d'ici, Petite Ébêne. Ce n'est pas drôle du tout.
J'attendis patiemment, ma patte tordue sous mon ventre maigre. Quand j'entendis un petit rire, je renifla, agacée, et plongea dans la tanière, excédée au-delà des mots. Tsss, quelle mauvaise foi ! J'attrapa la chatonne par la peau du cou et la sortit. Cette fois-ci, je ne rigolais plus, et mes yeux lançaient des éclairs.

Je me cachais, espérant que Nuage Tigré ne me trouverait pas. Je suis dans une sorte de grotte, d'où s'émane une drôle d'odeur que je n'avais encore jamais flairée. Puis j'entends la voix de Tigrou, mi en colère mi rigolarde, qui me crie :
-Sors d'ici, Petite Ébêne. Ce n'est pas drôle du tout.

Je ne bouge pas une moustache, en pensant qu'elle irait voir ailleurs. Mais elle descend dans ma cachette et me remonte à la surface par la peau du cou. Elle me dépose au sol et me lance des éclairs par ses yeux. Je la fixe de mon regard perçant et indéchiffrable.

Petite ébène me fixa avec son regard profond et indéchiffrable. Sauf que moi, j'étais en colère parce que j'avais laissé la moitié de ma fourrure sur des buissons de houx, des ronces voir des arbres morts. J'avais mal à ma patte tordue, une écharde s'était fichée dans mon pelage et mes yeux me picotaient parce que j'avais fait la patrouille de l'aube ! En bref, le jackpot, où la grande gagnante, c'était moi !
Elle me regardait avec le même air innocent, comme si je n'aais pas couru à cause d'elle. Avec mon air bien à moi, celui des mauvais jours où si quelqu'un me disait un truc qui ne plaisait pas, je lui sautais à la gorge, je me pencha vers elle et lui susurra d'une voix mielleuse qui ne présageait rien de bon :
-Ne dis pas que tu n'as rien fait de mal ou ça va mal aller pour ta fourrure...
Elle recula un peu, mais son regard de "je-me-fout-de-tous" ne la quitta pas. Automatiquement, mon pelage, d'habitude si soyeux, se hérissa entièrement, si bien que je commençais à me demander si je n'avais pas été une pomme de pin dans une vie antérieure.

Nuage Tigré ne relâcha pas son regard plein de haine, bien au contraire, il s'amplifia. Elle s'approcha de moi à pas feutré pour se retrouver à moins d'une souris de mon museau, (je recule alors d'un pas) et elle me susurra de sa voix "je ne rigole plus maintenant" :
-Ne dis pas que tu n'as rien fait de mal ou ça va mal aller pour ta fourrure...

J'hésite quelques secondes à reculer encore, mais je m'assois et enroule ma queue autour de moi , essayant de faire preuve d'une diplomatie que je suis très loin d'avoir. J'aurais vraiment apprécier retourner dans ma cachette qui ressemblait tant à mon ancien hangar, où je me sentais à l'abris, seulement je ne voulais pas trop la rendre en colère, car elle est la seule qui m'a soutenue depuis que je suis dans la forêt. C'est pourquoi j'essaie de prendre une voix neutre et lui réponds simplement :
-Désolée.

Je la fixe avec mon regard indéchiffrable quelques instants, puis je commence à faire ma toilette car ma petite escapade avait noircis mon pelage.

Yep !

La chatonne (à qui je voulais faire la fourrure) sembla un instant hésiter puis s'assit finalement, la queue enroulée autour de ses pattes, avec un petit air noble sur son visage. Comment ne pas craquer ? Mystère, moi, je ne lui bondissais pas dessus pour lui faire un gros câlin. Peut-être parce que j'étais furieuse d'avoir laissé la moitié de ma fourrure sur le chemin par sa faute. Petite Ébène lança un regard d'envie vers la renardière et MON regard s'assombrit. Si elle faisait ça, elle allait le regretter. Au final, elle me dit un :
-Désolée
Puis elle commenca à faire sa toilette, non sans avoir dardé sur moi son célèbre regard indéchiffrable. Je me calma un peu et ronronna : elle devait être pressée de devenir apprentie, comme tout les chatons ! Pour détendre l'atmosphère, je lui dis en souriant :
-Allez, va. On attend un peu et on retourne au camp, petite turbulente !
Pour lui montrer que je ne lui en voulait plus tant que ça, je m'allongea près d'elle et l'attira vers moi, ce petit bout de chou ‹3 !!

Après que j'eus présenté mes excuses, le regard de Nuage Tigré passa de noir et plein de fureur à un regard doux et protecteur. Elle se calma, son pelage redevint celui lisse et brillant que je lui connait bien et elle se mit à ronronner.
Comme pour détendre l'atmosphère encore un peu tendue, elle miaula :

-Allez, va. On attend un peu et on retourne au camp, petite turbulente !

Elle s'allongea alors près de moi et m'attira contre elle. J'aimais vraiment beaucoup Nuage Tigré... Elle est un peu comme une deuxième maman pour moi. Malheureusement, je n'étais pas d'humeur à me reposer tranquillement... Je lui fais une petite léchouille sur son beau pelage, puis m'amuse à lui donner des petits coups de patte sans sortir les griffes pour l'inciter à jouer.

Je ne joue presque jamais, mais Nuage Tigré a un effet bénéfique sur moi, qui camoufle mes différences et me rend plus normale aux yeux des autres sans pour autant me changer.
Je continue quelques instants puis je me retourne et me roule par terre. J'attrape un peu de mousse, en fait une petit boule avec mes pattes adroites et l'envoie en l'air. Je m'amuse comme ça un petit moment, puis je me sens fatiguer et arrête pour reprendre mon souffle.

Au lieu de s'allonger sagement, elle me fit une petite léchouille sur mon ventre puis s'amusa à me donner des petits coups de pattes. Impassible, je ronronna doucement. Ce qu'elle était craquante, impossible de lui en vouloir ! Pour n'importe quelle raison, d'ailleurs. Puis la chatonne se roula par terre (grave erreur) et attrapa un peu de mousse. Elle en fit une petite boule qu'elle lança en l'air. Ces jeux me rappellent ceux que je faisais avec ma sœur avant qu'elle ne meure, tuée, peut-être accidentellement, mais tuée par mon père. Nous étions si petites et insouciantes, ne cherchant même pas à savoir qui était qui, où était-il, notre père... Petite Ébène cessa ses jeux et je l'entendais souffler bruyamment. Je secoua ma tête et la regarda : elle reprenait son souffle. J'en profita et attrapa sa boule de mousse du bout des griffes, espiègle. Je l'envoya en l'air et frappa dedans d'un grand coup puissant. La voile de mousse retomba sur la tête de la chatonne. Je ronronna un bon coup et fonça vers elle. Pour une fois, je voulais bien jouer !!